Avec
Aiji Watanabe & Leopold Stern
Aiji Watanabe & Leopold Stern
C'est un peu le bordel, mais ça va !
Solveig n'avait jamais fait de théâtre. Elle avait vu beaucoup de représentations les été du Festival d'Avignon, avait jalousé ses camarades qui participaient à l'option que proposait son lycée français et tenté des fois d'interpréter certains textes dans sa salle de bain, mais elle n'avait jamais vraiment pratiqué. Elle s'était inscrite à ce club sur un coup de tête, une envie, ou plutôt une nécessité. Elle avait tout quitté pour un renouveau, non ? Elle ne voulait pas vivre avec des regrets.
Mais fallait-il une tenue spéciale pour un cours de ce genre-là ? Allaient-ils faire du contemporain ou du classique ? Allait-elle devoir se mettre toute nue et crier des mots alambiqués puis justifier sa démarche par un « c'est une critique de la société »; ou à l'inverse, allait-elle se vêtir d'un corset étranglé et récitait mollement des vers qu'elle ne comprenait même pas ?
Indécise, elle avait décidé de garder son uniforme. Elle avait juste ôté sa chemise, gardant son super t-shirt sur lequel on voyait Luigi. Elle n'était pas sûre pour la jupe et les chaussettes hautes, mais soit. Oh, elle ne savait toujours pas où elle avait mis sa cravate. Entre la mystérieuse disparition de cette dernière, son retard à la cérémonie de ce matin et ses craintes envers son club, sa première journée n'était même pas finie qu'elle était déjà mouvementée.
Elle avait essayé de se tresser les cheveux à plusieurs reprises aussi, parce qu'on lui avait souvent dit que ça lui allait bien. Elle avait essayé une fois. Elle avait essayé deux fois. Elle avait essayé trois fois. Et puis elle avait dit « merde » à son reflet et avait claqué la porte de sa chambre. Maintenant, sa chevelure souple ondulait gracieusement autour de son visage, et c'était beaucoup mieux que deux nattes strictes. Mais Solveig ne le voyait pas, bien sûr.
Elle arriva devant la salle de club, sac à dos sur l'épaule, et fronça les sourcils. Il y avait un papier sur la porte expliquant que le cours se déroulerait en extérieur, juste à côté du terrain de base-ball. Sauf que Solveig était venue pour arriver pile à l'heure au cours. Et le terrain de base-ball était loin, sans compter que l'académie était gigantesque et qu'il était facile de se perdre.
Elle cogna son front contre la porte, exaspérée. Elle allait encore être en retard. La vérité ? Elle hésita à changer de nom, de visage et à se refaire une vie au Mexique. Il y avait un complot, un alignement des astres, quelque chose qui s'acharnait sur elle !
Elle inspira un grand coup et, ne se laissant pas abattre, sortit son carnet de correspondance de son sac afin d'examiner le plan de l'école. Le terrain de base-ball n'avait pas l'air si loin que ça. A peine quelques millimètres sur le papier... Mais en vrai ?
Elle se mit à courir. Il ne fallut que quelques mètres pour que ses jambes lui prièrent de tout arrêter pour mourir et que ses poumons prennent feu. Vraiment, elle n'était pas sportive. Elle traversa l'extérieur, haletante, priant pour ne pas se faire remarquer et que tout se passe bien, les cheveux dans le vent.
Elle repéra enfin le terrain de base-ball où s'entraînait le club mais ne s'y attarda pas plus longtemps : elle avait déjà dix minutes de retard.
Elle vit un groupe d'étudiants et elle supposa que c'était le fameux club. Elle déglutit. Allez, ça ne pouvait pas être pire que vaincre un boss dans Cuphead. Elle s'approcha et voulut se fondre dans la masse. Mais elle se souvint des bons conseils de sa belle-mère : toujours être polie. Elle ne pouvait pas faire comme si de rien n'était …
Une fois qu'elle fut assez proche du groupe, elle leva une main pour se faire remarquer et haussa la voix :
- Excusez-moi de mon retard. Je … euh... suis-bien au club de théâtre ?
Elle regarda les alentours. Il faisait plutôt bon et les clubs sportifs s'adonnaient à leur activité respective. C'était vivant et plutôt agréable.
Elle recentra son regard sur le cours. Elle avait un peu balancé la phrase dans le vide, sans adresse précise. Du coup elle ré-itéra :
- Par contre … Qui est le professeur ?
Elle aurait bien pensé à l'espèce de type bronzé, mais ça ne pouvait pas être possible. Il n'avait pas l'allure d'un professeur. Déjà parce qu'il était bien trop charismatique pour cela et ensuite parce que c'était bien connu que tous les profs étaient moches et ennuyeux. Et ce gars-là avait plus l'allure de ton pote que de ton supérieur.
On verrait bien. Les retardataires n'avaient pas vraiment leur mot à dire de toute façon.