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Des potentiels amis
Des potentiels amis
Il faut bien un début
Solveig continuait de mâcher sa pomme, ne quittant pas du regard l'adolescent. Elle le trouvait fascinant sans savoir mettre les mots sur cette impression. Peut-être son physique atypique, sa façon de communiquer ou l'aura qu'il dégageait, tout simplement ? Aucune idée, mais en tout cas elle ne détournait pas les yeux de son visage alors que les siens ne cessaient de s'éloigner d'elle. Il semblait fuir le contact visuel.
Solveig ne s'interrogea pas là-dessus ; chaque personnalité était différente. Elle, elle aimait à se plonger dans les regards des autres. Elle avait la sensation alors ne pas parler dans le vide, d'avoir vraiment quelqu'un en face d'elle.
Du coup, puisque c'était ce dont ils parlaient, elle ne put s'empêcher de le comparer aux personnages d'Alice.
Il lui faisait penser à l'héroïne - celle du livre, pas du jeu -, avec ses airs perdus. A croire qu'il était au milieu de la forêt, que le chat de Cheshire lui avait fait tourner la tête et qu'il cherchait un moyen de rentrer chez lui. S'il était Alice, qui était-elle alors ? Elle qui était venue le voir, elle qui croquait la pomme ? Pas la reine de Cœur au moins. Pourquoi pas le chapelier fou ?
Je crains d'avoir oublié mes tubes de peinture à la maison. Peut-être qu'en les coloriant avec du ketchup, on parviendrait au même résultat? Et puis, si ça ne va pas, on n'aura plus qu'à traverser le miroir.
Elle lut avec attention alors qu'un petit sourire fleurissait sur ses lèvres.
Elle poursuivit sa lecture.
Je ne sais toujours pas où peut bien être le Chapelier, par contre, on dirait qu'on a trouvé Tweedledee et Tweedledum.
Elle fronça les sourcils pour se remettre en mémoire les deux personnages. Oh, c'était les jumeaux, c'est cela ?
A qui pouvait-il bien faire référence ?
Elle balaya la salle du regard. Elle ne voyait aucun jumeaux... Il y avait bien le couple d'adultes là-bas qui flirtait en public mais ça ne pouvait pas être les deux personnes dont parlait l'adolescent.
Et parce que visiblement ils s'amusaient à ça, elle voulut trouver les correspondances des personnes dans la salle avec l'oeuvre de Caroll. Elle plissa les paupières, concentrée, avant de se dire qu'il valait peut-être mieux s'assigner leur propre rôle à eux d'abord.
Elle croqua une nouvelle fois dans sa pomme sans bruit - parce qu'elle était le genre de fille à ne pas faire de bruit quand elle mangeait, étonnement. Puis, elle adressa un sourire malicieux à son interlocuteur :
- Imagine que tu aies le Chapelier devant toi ...
Sans quitter ses airs enfantins, elle posa sa pomme entamée sur le haut de son crâne. Elle la tenait d'une main, consciente qu'elle tomberait au moindre geste, et sembla l’arborer fièrement, comme un véritable accessoire capillaire - ou en l’occurrence ici, un chapeau.
- ... comment réagirais-tu Alice ?
Elle rit tout bas, amusée. Elle devait avoir l'air bizarre avec ses mauvaises chaussures, sa chevelure en bataille et le fruit sur la tête qu'elle tenait gauchement. Mais elle était tellement à l'aise avec ce garçon qu'elle en oublia totalement son allure.
- Tu fuirais ? Ou tu me laisserais te souhaiter un Joyeux Non-Anniversaire ?
Son sourire s'agrandit. Peut-être était-il dans la cour de la Reine, mais elle s'en fichait pas mal des règles de bienséances.