Bal MasquéSalle de Réception
Jamie
Willow &
Monsters « Je te hais.
- Roh ça va, pète un coup Shorty, c’est pour la bonne cause n’oublie pas.
- Je t’en foutrais de la bonne cause…
- Eh, t’as fait ton choix j’y peux rien moi.
- Va chier.
Bon. État de la situation, je suis dans la merde. Quoi ? Être allongé sur le canapé de ma sœur, sans mon jean, des bandes de cire sur les pattes, c’est pas suffisamment merdique pour vous ? Lily avait au moins eu l’éclair de génie de disposer des coussins sur l’accoudoir pour que je puisse y installer plus confortablement mes jambes. Malgré cette attention et le thé noir que je venais de boire pour me détendre (chose qui avait été très utile d’ailleurs…), les traits de mon visage étaient crispés sous l’effet de la colère. La colère et l’irritation, deux sentiments que je rêvais de libérer en étranglant l’autre Freak qui me servait de frère et qui était accoudé sur le dossier du sofa, son sourire d’abruti sur sa face d’abruti. Je ne le regardais pas, mes mains seraient déjà en train de lui serrer la gorge si j’avais croisé ses yeux de merdeux. J’avais choisi de tourner la tête vers la télé de l’autre côté de la table basse, et de fixer un point invisible au centre de l’écran. Une émission de ventes aux enchères était actuellement diffusée, un homme avec des cheveux gris essayait de tirer un bon prix de son vieil appareil photo. C’était l’une des ces machines sur pieds qui étaient encore utilisées durant le 20th siècle. En voyant les prix que les acheteurs proposaient, pas de doute que le modèle était de bonne qualité. Bordel de merde, j’en viens à m’intéresser à une putain d’antiquité disputée dans une putain d’émission de ventes par des putains de collectionneurs… Y a vraiment que ça pour me sauver des mains de ma frangine qui se rapprochent dangereusement de ma jambe ? Y a pas mieux en ce moment ? Putain. Elle a pris la bande.
- Prêt ?
- Devine…
- T’inquiète pas ça va aller vite. C’est comme retirer un pansement, un coup sec et rapide.
- Comme ta première fois.
- Ta gueu-AAAAAAAAAAAHHHH !!!!!! BORDEL DE PUTAIN DE MERDE !!!!!! »
Elle a tiré.
Bon, pause. Ce serait pas mal de resituer un peu le contexte non ? On était quelques heures avant le bal du lycée, celui organisé pour Halloween. C’était une sorte de tradition à Hampton donc je n’allais pas m’en plaindre. Je n’étais pas fan de la foule, du bruit, de l’odeur de transpiration qui s’échappait de la piste de danse mais les gosses avaient l’air de s’amuser. Tant mieux que voulez-vous. Je faisais l’effort de m’y traîner chaque année parce que mine de rien, ça avait le mérite d’être un peu distrayant. Je me mettais souvent en retrait pour consommer un verre tranquillement et observer le « spectacle. » A chaque fois, ma sœur Lily insistait pour m’aider à constituer mon costume pour la soirée. Elle aimait s’occuper du maquillage et je dois dire que ses idées étaient souvent bonnes donc je la laissais faire. Le résultat était potable, pas étonnant venant d’une fille qui travaillait maintenant dans un théâtre. Je ne me plaignais pas, pas autant que d’habitude du moins, et je me rendais toujours plutôt détendu et serein au bal. Cette année, c’est pas la même musique. On avait fêté l’anniversaire de mes frangins quelques semaines plus tôt et disons que… j’avais un peu bu. Eliott avait passé la nuit avec les enfants de sa nourrice, les trois gamins s’accordaient assez bien et ça m’arrangeait pas mal. Ca m’avait surtout arrangé une fois mes quelques verres de rhum et de vodka descendus. Heureusement que mon fils n’était pas là pour me voir dans cet état… D’après les gens, je serais facilement manipulable quand j’en avais un coup dans le nez. On me l’avait raconté le lendemain mais apparemment Finn, cet enfoiré, m’avait entraîné dans un jeu à boire, comme si j’avais dix-sept ans. Il se serait passé des trucs… bizarres, impliquant une pissée sur le balcon et un vomi à quatre pattes dans la baignoire. Une chanson braillée en Allemand dans la rue, torse nu, ne serait pas à exclure non plus à ce qui paraît. Après, c’est ce qu’on m’avait dit, c’était peut-être exagéré j’en sais rien. Je m’étais conforté dans cette idée parce que je ne fais jamais d’écart comme ça. Je vais le dire UNE fois, je sais que je suis pas bien grand donc je bois rarement beaucoup. Je mange à côté, je remplis mon verre d’eau régulièrement et j’évite de picoler n’importe quoi. Il m’arrive d’être légèrement beurré mais pas torché. Pour ma dignité et pour mon gamin, je ne me prends jamais de cuite. Enfin, jamais quand mon frère n’est pas dans les parages apparemment… Saloperie de connard de merde. Je pensais que la soirée n’aurait aucune suite, ni aucune conséquence. Eh bah, je me suis bien planté ! Plus tôt cette semaine, Finn était venu me trouver pour me parler du bal qui approchait. Je sentais la merde arriver, venant de lui de toute façon, il ne pouvait en être autrement. Il m’avait proposé un truc. Je vous repasse la scène.
« Dis-moi Shorty… en ne voyant aucune réponse de ma part, il avait poursuivi, c’est bientôt Halloween à ton lycée nan ?
- Et donc ?
- T’as déjà un costume de prévu ?
- Pourquoi ? avais-je répondu avec un regard méfiant, n’appréciant pas le ton dans sa voix.
- Oh parce que j’ai une bonne idée pour toi… un sourire d’enfoiré.
- Non.
- T’es même pas curieux ?
- Non.
- Rooooooh t’es pas drôle mon vieux. Regarde au moins, je suis sûr que ça t’irait à merveille, avait-il ricané en faisant danser ses sourcils noirs.
Je m’étais retrouvé en face de son téléphone. Sur l’écran, une photo de mannequin habillée en… Putain de bordel. Non. Jamais. Hors. De. Question. D’où il croyait que j’accepterais d’enfiler cette tenue de soubrette ? Quel connard.
- Dégage Freak, maintenant, avais-je grogné en me levant.
- Dois-je en conclure que c’est un non ? avait-il raisonné sans lâcher son sourire de fourbe. Franchement avec ta taille de fille ça passerait crème, une belle petite femme de ménage.
- Dehors, avais-je ordonné froidement en montrant la porte du doigt.
- T’es sûr ? Nan parce que si j’étais toi…
- Ce que tu n’es pas.
- … Si j’étais toi, j’y réfléchirais à deux fois.
- Ah ouais ? Et pourquoi ç…
Des photos avaient défilé sur le petit écran. Des photos de moi, bourré, en train de dégueuler comme un porc, de pisser comme un chien et de rire comme une hyène. Il y avait même une vidéo. De moi. En train de chanter. Du Rammstein. Dans la rue. Torse poil. Pour ma défense, c’était pas si faux que ça, mais quel connard de merde. Je n’aurais jamais dû accepter de venir à cette soirée. Ne jamais boire chez Finn quand Finn est présent. Putain pourquoi est-ce que j’avais oublié cette règle d’or… En voyant mon visage se décomposer, il avait repris la parole en prenant soin de bien se redresser.
- Ce serait bien malheureux que quelqu’un diffuse ça sur Internet. Et ce serait encore plus malheureux qu’un certain enfant tombe dessus d’ici quelques années, n’est-ce pas grand frère ?
- Et tu veux quoi en échange ? Que je mette ta robe débile c’est ça ? avais-je aboyé en retour.
- La robe, les collants, les chaussures, le maquillage, la perruque, avait-il énuméré en comptant sur ses doigts.
- Espèce de connard.
- Tu préfères être une fille pour une soirée où tout le monde sera déguisé ? Ou alors passer pour un ivrogne sur les réseaux sociaux que ton fils utilisera sûrement plus tard ?
- T’es vraiment qu’un sac à merde, avais-je soupiré, résigné.
- C’est pour venger ma baignoire, Shorty. »
Du coup voilà comment je me suis retrouvé chez ma sœur en train de me faire défoncer les jambes à la cire. C’était inclus dans le chantage de Finn. Je serrais le tissu du canapé à chaque poil arraché. Bordel de merde ça faisait putain de mal. Des insultes fusaient de ma bouche et d’autres étaient crachées lorsque j’entendais l’autre Freak ricaner, bien à l’abri derrière le canapé. Putain tu me le paieras sale connard. Lily murmurait de temps à autre des « désolée » timides. T’excuse pas, finis juste. Je formulais cette demande dans ma tête alors qu’elle retirait les dernières bandes. Une demi-heure plus tard et deux jambes en moins, je me tenais en caleçon dans le salon de ma frangine, la fameuse robe dans les mains. Je bouillonnais. Putain, fais gaffe à ta gueule Finn, le bal ne dure qu’une soirée. Je m’emprisonnai le plus rapidement possible sous la robe noire et blanche. Lily m’aida à m’enfermer correctement dans cette prison de tissu, en replaçant la doublure comme il fallait et en vérifiant le « tombé. » La lutte contre les collants en résille fut moins éprouvante que prévu et mes jambes furent bientôt « habillées. » Lily se recula et m’observa. Dans l’embrasure de la porte, Finn me toisait avec son sourire d’enfoiré. Niall était resté assis dans la cuisine pendant tout ce temps. Il n’avait pas précisé la raison de sa présence mais je devinais qu’il était venu pour tenir son jumeau. Bon, même si j’étais bien gêné par tout ça, j’étais un peu content qu’il soit là. Leurs trois regards étaient posés sur moi et surtout sur la robe.
« Tu es toute belle dis donc. »
Je lui levai mon majeur en guise de réponse et la séance maquillage commença. J’étais assis sur une chaise, Lily installée sur une autre en face de moi. Ses cheveux noirs étaient attachés en une queue de cheval, et elle avait écarté les quelques mèches de mon visage à l’aide de barrettes tête de chat. Plus pratique pour travailler elle disait. Je voulais bien la croire. Je suivis ses instructions alors qu’elle appliquait du mascara noir sur mes cils. Je fis de même quand elle posa du rouge à lèvres coquelicot sur ma bouche. Putain, ça allait être super pour boire avec ça… Bien pratique… Elle termina son petit manège en passant un pinceau sur mes pommettes qu’elle recouvrit de rosé. Seigneur sauvez-moi. Elle installa ensuite une longue perruque noir sur mon crâne qu’elle coiffa en deux couettes. Elle utilisa deux de ses rubans rouges pour les nouer. J’enfilai des chaussures noires à talons et elle me fit signe de me lever.
« Bon, je pense que j’ai fini, conclut-elle en me menant vers un miroir.
- Putain, faites que personne ne vienne me parler… priai-je en fixant mon reflet et cette robe qui s’arrêtait au-dessus de mes genoux.
- Oh ça te fait des belles jambes.
- La ferme.
- Ca va aller les chaussures ?
- Il va bien falloir… Je vais emmener les miennes au cas où de toute façon.
- D’accord, bonne soirée quand même.
- Bonne soirée Jamie, courage », me souhaita Niall alors que je sortis de l’appartement en ignorant le ricanement de Finn.
Mais ma gueule bordel… Finn avait intérêt de tenir parole, je ne voulais pas enterrer ma dignité pour rien. Le trajet jusqu’au lycée fut le plus court de toute ma vie. Disons que je n’étais pas trop impatient d’y arriver. Je me garai et inspirai un grand coup avant de sortir de ma voiture noire. Quand il faut y aller, il faut y a-PUTAIN IL FAIT FROID !!!!! Se mettre les jambes à l’air en automne, chouette idée… Bref, j’avançai tant bien que mal vers la salle de réception, merci les talons. Heureusement, j’avais laissé une paire de chaussures de rechange dans ma voiture. J’entrai donc dans la pièce en me faisant le plus petit possible. Les godasses me donnaient quelques centimètres supplémentaires, comme c’est pratique… Bref, j’observai la décoration : pas mal. C’était du bon boulot je devais bien l’avouer. Ils se chiaient rarement dessus quand il s’agissait de rendre le lieu plus halloweenesque. Quoi ? Je suis un putain de travesti alors m’emmerdez pas avec ma grammaire ! Merde ! Quelques élèves et membres du personnel déambulaient déjà dans la pièce. Merde. On va les esquiver, prendre un verre et se foutre dans un coin en espérant passer inaperçu. Je me glissai donc furtivement vers le buffet, en manquant de me casser la gueule une ou deux fois (merci les talons, le retour), et pris un verre. Bon, ce soir, pas de débordements inutiles. Une fois ma boisson à la main (putain Lily m’avait même foutu du vernis bordeaux sur les doigts…), j’allais m’adosser dans un coin de la salle. Quelques regards me furent jetés, va savoir si on m’a reconnu. Une tenue de soubrette pouvait surprendre, même sur une fille donc bon, pas de quoi s’alarmer pour l’instant hein ? Je me réfugiai donc au fond de la grande pièce et commençai à siroter le contenu de mon verre, priant pour qu’on me laisse tranquille.