Douce nuit, sainte nuit ~~ Ah bah non ! [Avec Karl]

Karl se retourna dans son lit, une fois, deux fois, trois fois. Il n'en pouvait plus. Ça faisait des jours, des semaines, peut-être même des mois qu'il se faisait régulièrement réveiller en pleine nuit par le gosse qui vivait dans le studio voisin du sien. Il avait vaguement compris que c'était le petit frère de Kristian, un de ses collègues surveillants, et il n'avait pas franchement cherché à en savoir plus. Tout ce qu'il savait, c'est que ce gamin lui pourrissait ses nuits, et honnêtement, ça l'emmerdait bien. D'habitude, il prenait sur lui et se promettait d'en parler à Kristian une fois le matin venu. Mais à chaque fois qu'il l'envisageait en plein jour, il se trouvait assez égoïste ; ça n'était quand même pas de sa faute, si ? Alors, habituellement, il se mettait à dessiner en écoutant de la musique au casque jusqu'à ce que les pleurs s'interrompent, ou bien il sortait faire un tour dans la propriété, profitant de l'occasion pour s'en griller une.
Mais, cette nuit, Karl n'était pas du tout d'humeur conciliante, et il avait bien envie d'aller lui dire deux mots, à ce parent irresponsable. Bordel, quand on était pas fichu de gérer un gosse, on n'habitait pas en appartement, merde !

Il laissa échapper un soupir d'énervement, et bondit brusquement hors de son lit. Il enfila à la va-vite un pull aux couleurs de Gryffondor (sa maison préférée, juste devant les Poufsouffle) et, sans même prendre la peine d'enfiler des chaussures ou un pantalon, sortit dans le couloir du troisième étage.

Il se dirigea presque en courant vers la porte voisine de la sienne et y martela quelques coups secs et agressifs. Si Kristian réussissait à supporter des pleurs incessants, ça n'était pas le cas de tout le monde, et Karl comptait bien le lui dire. Dès la porte s'ouvrit devant lui, le blond croisa les bras et invectiva le jeune homme d'un ton peu aimable.

« Bon, c'est pas que c'est chiant, mais… c'est chiant. J'sais pas si t'es en congé demain, et franchement, il est trop tard pour que j'en ai quelque chose à foutre, mais moi je bosse. Et les voisins aussi sûrement. »

Ébloui par la lumière qui s'échappait de l'entrebâillement de la porte, Karl dut plisser ses paupières, déjà mi-closes à cause de la fatigue et de son réveil précipité. C'est ainsi qu'il pris connaissance de l'air épuisé de son interlocuteur, de son teint gris souligné par des cernes violacées, de ses yeux vides d'énergie et de l'air, désespérément coupable, désespérément désolé, qui flottait sur son visage. Il faisait peur à voir. À vrai dire, Karl ne devait pas forcément avoir l'air plus engageant : cheveux blonds ébouriffés, sourcils froncés, moue désagréable et yeux brillants de colère. Non, vraiment, voir Karl débarquer chez vous à deux heures du matin, même en pull et caleçon, ça ne correspondait pas exactement à la définition commune de "bonne surprise".

Mais, Karl avait beau être quelqu'un d'impatient, de colérique et d'assez désagréable à première vue, il n'en était pas moins la personne sensible et (parfois) compréhensive que malheureusement, peu de gens connaissaient. C'est donc d'une voix plus calme, ressemblant à un grognement d'ours coupable (si tant était qu'un ours pouvait se sentir coupable) qu'il questionna son interlocuteur.

« Heu... Ça va ? T'as besoin d'aide ?»